[LA MAUVAISE HUMEUR DE LUCIEN: une chronique à paraître dans un prochain magazine]
On savait depuis longtemps que le net était le royaume des grugeurs, pirates, téléchargeurs illégaux, hackers et sexopathes de tout poil. On l’accusait de récupérer par différents moyens l’argent sale et de le blanchir plus blanc que les ïles Caïman et le Lac Léman réunis. Récemment, on découvrait, ébahi, que l’essentiel de son trafic provient des flux BitTorrent qui vous saucissonnent un film de plusieurs gigas en petits paquets si bien ficelés qu’ils se recombinent sur votre PC en moins de temps qu’il n’en faut pour cliquer.
Au moins, on se disait : la force est en lui, en ces moteurs ultrapuissants et si bien réglés, en ces algorithmes imparables et vertueux. Las, las, voici qu’il a dessus la place, sa beauté mathématique laissé choir : à force de tripatouillages, nul ne peut plus expliquer ses règles de classements et autres ranking changeant d’heure en heure. Le net, on ne sait plus comment il fonctionne. Sans doute est-il saturé de sa propre complexité, en train d’imploser selon les dures lois de l’entropie et du dinosaure réunis.
Et la vérité terrifiante s’est fait jour. Internet n’est plus que l’empire du hasard, le règne du chaos, où tout est possible en quelques secondes, gagner, perdre, devenir célèbre, retomber dans l’anonymat, retrouver un site qui jaillit comme une fusée des profondeurs du web et le reperdre aussitôt tandis qu’il s’enfonce dans le magma fusionnel de ses milliards de congénères hébétés. Il n’y avait pas de lois sur internet. Désormais, il n’y a plus de règles. C’est le Far-West, la grande inconnue, l’Atlantide et l’Eldorado réunis. Rien n’est sûr, rien n’est garanti : ce site que tu vois n’est pas le site que tu crois, ce mail que tu lisais n’était pas de qui tu savais, tout est faux, tout est clone. Le côté obscur a gagné.
Conclusion : il est urgent de fermer internet. Quand le ver est dans le fruit, il faut couper la branche. Votons tous oui. Au moins pour un moratoire : on ferme tous les robinets et on voit ce qui se passe. Peut-être qu’il ne se passera rien d’ailleurs...
Ou plutôt si : les gens lèveront le nez de leur écran soudain noir, ils se mettront debout, les épaules enfin redressées, ils se regarderont et ils se parleront. Peut-être même y aura-t-il quelques sourires timides échangés de ci de là.
Pendant ce temps, on demandera à quelques mathématiciens échevelés et autres googlemaniaques de nous retrouver les règles perdues du fonctionnement d’internet. Mais on ne rouvrira le réseau qu’à ceux qui auront signé une charte : une heure par jour et par personne, maximum.
Que dites-vous ?... Bon, d’accord on mettra une petite pub pop-up sur l’écran…Une, pas plus : d’accord ?...
argh j'etais pour jusqu'à la pub ...
Rédigé par : Alexandre-Jean Reille | 01/06/2005 à 12:36